Paul Lafargue et le marxisme
Paul Lafargue est connu pour être l'auteur du Droit à la paresse, et accessoirement pour être le gendre de Karl Marx. On entend parfois des commentateurs peu informés dire qu'il y aurait une sorte de contradiction ou d'ironie entre les deux. Or, Lafargue fut un proche collaborateur de Marx, et à ce point proche des idées de son futur gendre que c'est notamment contre Lafargue que fut inventée l'expression "marxiste" !
Il faut donc briser une légende : Le Droit à la paresse est un livre tout à fait en phase avec les idées de Marx, Lafargue s'y servant par ailleurs explicitement des travaux de son mentor.
Mais les désinformés (qui à leur tour désinforment) n'en restent pas là : à les croire, Karl Marx aurait été le "théoricien du travail" et "promoteur de l'Internationale Ouvrière" ! La lecture des textes de Marx, plutôt que ceux de ses fossoyeurs (que ces derniers se disent "marxistes" ou non), permet d'apprendre que si Marx fut théoricien c'est bien de la nécessité de la disparition du capitalisme et du travail ; et que d'autre part la dite Internationale ne fût créée que six ans après sa mort (Marx fût par contre militant de la 1ère Internationale, l'Association Internationale des Travailleurs, organisation qui était à la fois moins doctrinaire et moins opportuniste que l'Internationale Ouvrière).
Rosa Luxemburg, dans La Crise de la social-démocratie - ouvrage écrit dans les premiers mois de 1915 depuis la prison où les dictateurs de ce temps l'avaient envoyée pour "propagande anti-militariste" -, prenant acte de la chute du mouvement social-démocrate dans le chauvinisme et le militarisme, écrivait : "Ce qui est en cause actuellement, c'est tout le dernier chapitre de l'évolution du mouvement ouvrier moderne au cours de ces vingt-cinq dernières années".
C'est bien dans cette période que l'on trouve les raisons de la faillite du mouvement social-démocrate et socialiste qui éclata au grand jour en 1914. L'organisation en partis nationaux, se contentant de se retrouver à l'occasion dans des congrès mondiaux (en fait essentiellement européens), et l'organisation hiérarchisée-spécialisée avec permanents salariés, qui créa une bureaucratie néfaste, furent deux des principaux facteurs de la quasi-mort de ce "mouvement", qui dès lors n'a quasiment plus fait que se déporter, au fil de trahisons successives, sur le terrain de l'ordre établi, du capitalisme et des Etats.
Le mouvement vivant subsistait dans les mobilisations spontanées, autonomes, les grèves générales, les tentatives révolutionnaires, et certaines organisations plus ou moins grandes.
Paul Lafargue a tant bien que mal participé à ce "marxisme" des années 1880 jusqu'au tout début du 20e siècle. Malgré une production intense d'articles et autres textes durant cette période, son livre le plus marxiste reste Le Droit à la paresse, qui est une description de ce que devra être la société dès la fin du capitalisme.